Le « plein-emploi » - dans le sens restrictif de l'absence de chômage massif dans les principaux secteurs de l'industrie - fut une condition qui structura les modèles sociaux européens de l'après-guerre, notamment ceux de la Suède et de la France. En quelle mesure la question de l'emploi était-elle centrale dans les projets nationaux d'après-guerre de ces deux pays ? Comment la condition du plein-emploi fut-elle obtenue ? Grâce à une politique économique menée à cette fin ou bien grâce à des facteurs autres, contingents ou structurels ? Cette analyse comparative des projets et des résultats de ces deux pays constitue un premier élément de réponse. Même si l'emploi était mentionné en tant que droit social dans chacun de ces projets, leurs politiques économiques se focalisaient sur d'autres considérations politiques, liées aux intérêts nationaux tels qu'ils étaient perçus. Le plein-emploi en ce sens fut obtenu par les deux pays dès 1947. L'examen des changements rapides des stratégies politiques de la France et de la Suède en 1945-1947 met en lumière le poids de leurs résultats inattendus. En France, ce sont les objectifs ambitieux du plan de modernisation qui dominèrent toutes les autres préoccupations de la politique économique. En Suède par contre, la planification ne fut jamais une priorité : ce fut la forte demande intérieure qui gonfla la rapide croissance économique du pays et qui, en établissant la société du plein-emploi, rendit obsolète l'orthodoxie économique dominante.