Comment se construisent et évoluent les projets professionnels des chômeurs ? Reflètent-ils cette résistance au déclassement, cette « logique de l'honneur » qui serait typiquement française ? Cet article tente d'articuler une analyse statistique longitudinale à une étude qualitative sur une population particulièrement attachée à son statut : les cadres. Selon l'étude statistique présentée dans un premier temps, « toutes choses égales par ailleurs », la résistance au déclassement indiquée par les projets diminue surtout quand le chômage se prolonge. Mais les cadres se positionnent aussi différemment vis-à-vis du statut cadre suivant leur position dans ce groupe social. Les femmes autodidactes de professions administratives et commerciales semblent moins « exigeantes » que les hommes ingénieurs. Comme le montrent les trajectoires suivies sur deux ans, la menace du déclassement est bien réelle et la création d'entreprise est une voie alternative de sortie du chômage. Les variables subjectives semblent par contre avoir une influence relativement faible par rapport aux variables objectives, ce qui relativise en partie le « modèle du projet » porté par les intermédiaires de l'emploi, selon lequel la qualité du projet est le facteur-clé du retour à l'emploi. Dans un deuxième temps, des récits de recherche d'emploi reflètent l'évolution non linéaire des projets, qui se transforment en fonction des circonstances du départ de l'entreprise, des opportunités, du rapport à la mobilité géographique et de la situation financière. Les projets se construisent dans une transaction biographique entre identités passées et identités d'aspiration qui s'inscrit souvent dans la continuité. Les autodidactes peuvent « repartir à zéro », les cadres âgés s'imaginer s'installer comme « experts » consultants. Mais les projets peuvent aussi se construire dans la rupture : créer ou reprendre une entreprise, se reconvertir. Ces projets sont cependant plus hypothétiques quant à leur réussite.