Malgré leur faible composante technologique, la lettre et le CV ne sont pas exempts d'enjeux techniques. Désormais largement professionnalisé, le recrutement ambitionne d'introduire une plus grande maîtrise des actions effectuées en s'adossant à divers savoirs.
Pour les directeurs de supermarché de la grande distribution confrontés à l'embauche de caissières et employés de rayon, la question est la dose de technique qu'ils doivent respecter pour « jauger » la valeur des candidats. La technique promet de résoudre le problème de l'énigme de la personnalité. Mais, le dispositif intervenant sur la personne des postulants, sa capacité à se substituer à la rencontre directe avec l'interlocuteur reste débattue.
Deux modèles coexistent : un dispositif professionnel mis en œuvre par des agents spécialisés, qui prétend à la suprématie et un dispositif amateur auquel les directeurs de supermarché de la grande distribution restent attachés. Si ce dernier résiste à l'impératif social de scientificité, c'est qu'il n'est pas qu'une survivance désuète mais qu'il permet d'affronter l'énigme que pose toute personne. Face à la démarche des professionnels qui tendent à multiplier les outils techniques supposés dire la vérité du candidat, les tenants du dispositif amateur tendent à privilégier l'entretien qui permet de déployer une sociologie des sens et d'apprécier si le candidat est « digne de confiance ».